Pourquoi je ne suis pas “gilet jaune”.
Si vous êtes gilet-jaune, démocrate, ouvert d’esprit, et prêt à une remise en cause, pour reprendre des forces et peut-être trouver un nouveau sens, ce texte est fait pour vous.
Si vous n’êtes pas prêt à cela, je vous déconseille vivement la lecture de ce texte qui pourrait vous irriter.
Soit disant, 80% des français soutiendraient les gilets jaunes. Ce n’est pas mon cas. L’urgence climatique est telle, qu’elle justifie, d’une part de demander aux riches des efforts très conséquents en terme de solidarité et d’équité, et d’autre part de demander aussi aux plus modestes des efforts substantiels.
Le but de ce texte est donc d’exposer ma position sur ce que doivent être les orientations politiques en France et en Europe, pour répondre à l’urgence climatique.
La contradiction se résume ainsi : “Peut-on demander plus de pouvoir d’achat et réduire nos émissions carbone ?”. En cette période de tension. Ce texte pose la question de la durabilité de notre mode de vie.
Après avoir exposé le constat climatique, et les mesures urgentes qui s’imposent, Je reviendrai d’abord sur les demandes des gilets jaunes, et j’y porterai un regard à l’aune des enjeux climatiques.
Les émissions de gaz à effets de serre mettent en danger l’humanité.
Je ne pense pas utile ici de démontrer à nouveau la réalité du changement climatique, ni le fait qu’il soit la conséquence des activités humaines. Les climato-sceptiques sont, de mon point de vue, à mettre dans la même poubelle que les négationnistes de la Shoah.
Pour limiter le réchauffement à moins de 2°C, au rythme actuel des émissions mondiales (55 Gigatonnes/an de CO2-eq), dans 10 ans il sera trop tard.
Les conséquences sur l’humanité seront multiples. Outre les événements catastrophiques, tel les cyclones surpuissants, les incendies géants, ou les inondations dignent du déluge, Ce sont les conséquences agricoles qui sont à craindre.
“Les gilets-jaunes sont les parents des frigo-vides”
Le changement climatique, c’est l’assurance de sécheresses, de vagues de chaleur, ou encore, de sols inondés en hiver qui anéantissent les récoltes.
L’historien du climat, Emmanuel Leroy Ladurie, nous rappelle que les événements climatiques ont été à l’origine des révolutions et même de disparitions de civilisations.
Le changement climatique, c’est aussi à très court terme la disparition de nombreuses espèces. Cette fragilisation des écosystèmes aggravera encore notre précarité alimentaire.
Lutter contre le changement climatique, c’est réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
La France, c’est 0.83% de la population mondiale, mais la consommation des français, c’est 1.45% de l’empreinte carbone. En clair, nos importations sont notre pollution.
L’humanité doit réduire de 50% ses émissions de carbone d’ici moins de 10 ans. Cela suppose un effort considérable. La France et l’Europe, zone de consommation, doivent dans ce combat mondial réduire leurs importations. Donc réduire leurs consommations.
Une voiture pollue moins qu’un avion, mais le transport aérien, c’est 3.9% de notre empreinte carbone quand les voitures représentent 16.3% ! Cet exemple illustre bien les difficultés. Car la voiture concerne 85% des français, quand seulement 35% de ceux-ci prennent l’avion au moins une fois par an. Il n’empêche que pour résoudre l’équation climatique, il faut réduire l’usage de l’avion et des voitures.
Cela implique de changer de civilisation. Notre société actuelle, basée sur la consommation est énergivore. Et à l’échelle de la planète, l’énergie c’est le carbone.
Une nouvelle civilisation
Le combat climatique n’est pas compatible avec une économie consumériste. C’est non conciliable avec la croissance. Et en conséquence non conciliable avec le rêve du plein emploi et de l’augmentation perpétuelle du pouvoir d’achat.
De l’équité
Nous allons devoir partager un gâteau qui devient plus petit. Et c’est pour cela que l’équité est nécessaire. Il n’est pas concevable de demander aux plus modestes des efforts que les puissants ne consentent pas à accorder. Il faut de l’exemplarité dans la société.
Demandons-la aux entreprises au travers d’une approche plus équilibrée entre les 6 parties prenantes de celles-ci (actionnaires, salariés, fournisseurs, clients, société et ressources naturelles).
Demandons-la aux personnalités en vue. Il n’est plus possible qu’un patron du CAC40 se rémunère 15 millions d’Euros par an. Qu’un footballeur en gagne encore plus ( au delà de 35 millions d’Euros par an pour Neymar)[1]. Il n’y a plus dans cela aucune valeur de la rémunération.
Il n’est plus possible que 1 % de la population mondiale ait une empreinte carbone qui dépasse les 200 tonnes par an[2].
De la sobriété.
La société adaptée au combat climatique est sobre.
Pour dire vrai, il faudrait dès aujourd’hui stopper notre usage de la voiture, et des moyens de transport carbonés. Évidemment, proposer cela sans un accompagnement social serait mettre en difficulté les populations.
Je propose deux mesures pour accompagner cette transition.
D’abord, la mise en place d’un revenu universel, pour poursuivre deux objectifs. En premier assurer la couverture des besoins vitaux de chacun. En second, permettre à la société de traverser l’onde de choc de la sortie du carbone.
Sortir du carbone, c’est quitter le plein emploi. Nous n’avons pas d’énergie alternative disponible. Sans énergie, pas d’économie, pas d’emploi.
Ensuite, la Taxe Carbone Redistribuée. Une taxe carbone qui porte sur l’ensemble de la consommation, affectée à un fond spécial et indépendant du budget de l’état. Cette taxe serait pour une part, redistribuée pour soutenir les plus modestes, pour l’autre part, elle financerait la transition sobre.
Je ne peux pas m’identifier à un mouvement violent et portant des idées disparates.
“il manque totalement une pensée directrice et une telle pensée conduirait à un éclatement entre les composantes hétérogènes d’un mouvement où les colères unies contre le pouvoir, sont en fait antagonistes entre elles”[3]. C’est ce qu’en analyse Edgar Morin dans un article au Monde daté du 4 décembre.
Oui, les gilets jaunes, ce n’est pas la liberté.
“Etre libre, c’est penser en homme d’action et agir en homme de pensée.” selon Bergson. Il y a t’il une pensée derrière la fureur ? Tout permet d’en douter. Ce mouvement est disparate, et la victoire de ce mouvement, ce sera la guerre civile et le chaos en France. Et sans doute aussi en Europe.
Les revendications des gilets jaunes sont celles d’une classe moyenne, qui rêve d’ascension sociale. Ils ne sont pas favorables à la solidarité avec les vrais pauvres. Pour preuve, ils revendiquent “la fin d’ assistanat”[4].
Il y a aussi des propositions où 100% des citoyens sont d’accord sur le principe : “zéro SDF : Urgent”. Un mouvement de gouvernement se doit de faire des propositions concrètes. Comment atteignons-nous cet objectif de “zéro SDF” ? avec le “zéro assistanat” prôné par certains ?
Il y a aussi dans les propositions de gilets jaunes, des propos fondés, comme la demande de rénovation thermique de l’habitat. Malheureusement, celles-ci sont noyées dans un flot de “pétition de principe” (tous demandent la 6ème constitution, mais tous ne sont pas d’accord sur comment la réécrire). Cela est aussi agrémenté de demandes stupidement populistes (la fin des radars et la fin du 80 km/h) .
Enfin, quand les gilets jaunes s’affolent à cause du pacte de Marrakech, ils ne représentent pas la justice sociale. Bien au contraire, je trouve que le gilet dissimule mal la chemise brune… Non merci. D’autres encore rêve du grand soir et de couper des têtes… Non merci aussi.
Des propositions ?
Pour une sortie durable de la consommation de carbone, il faut quitter la société de consommation. On entend souvent dire que c’est l’industriel qui pollue, le cargo sur l’océan qui émet de la fumée noire.
Il faut aller au bout du chemin. Ce qui sort de l’usine polluante chinoise est transporté par bateau jusque dans nos ports, passe par nos supermarchés, et fini sous nos sapins de Noël! (joyeuses fêtes).
Pas d’industrie sans consommateurs. Dénoncer l’industrie sans poser la question de la consommation n’a pas de sens. Et Il n’y a pas d’augmentation du pouvoir d’achat global sans croissance.
Alors il faut envisager une autre solution. Accepter un gâteau plus petit à partager, et faire des parts plus équitables !
Pour cela limitons les incitations à consommer. Interdire la publicité réduira la consommation.
Il faut aussi être prêt à accepter les conséquences d’une baisse de consommation, et donc d’une décroissance.
La première conséquence, c’est moins d’emploi.
Un nouveau modèle de société créera de nouveaux emplois, mais avant cela, il faut accepter une étape de destruction des emplois actuels. Voilà pourquoi je soutiens le revenu universel.
La seconde conséquence, c’est moins de consommation.
Ce nouveau modèle de société, compatible avec les enjeux climatiques doit être sobre. C’est à dire sans consommation superflue. Moins consommer, c’est se restreindre. Sommes nous prêt ?
La troisième conséquence, c’est moins de mobilité.
Pas de pétrole, ne rêvons pas c’est moins de déplacement. Il n’y aura pas des voitures électriques pour tous. Il n’est pas non plus possible d’avoir des transports en commun dense sur tout le territoire.
La quatrième conséquence, c’est la mutation urbaine.
Nous devons densifier la ville et créer un habitat économe en énergie. isoler les bâtiments est une chose, facilement acceptable : cela crée des économies dans le budget des familles. Mais l’habitat sobre, c’est aussi un habitat densifié pour permettre le déploiement de transports en commun. La fin de l’habitat rural. la fin du rêve des rurbains (habiter une maison isolée et profiter des atouts de la ville).
Est-ce acceptable ?
Sur la consommation, les plus modestes demanderont d’abord aux plus fortunés de faire des efforts en premier. c’est légitime. Mais au delà de cela ? Une fois l’équité atteinte ? Seront nous prêts à accepter cette austérité ?
Sur la mobilité, il ne sera plus possible d’habiter loin de son travail sans solution de transport en commun. Les entreprises devront investir dans des transports en commun pour leurs salariés. Mais cela ne résoudra pas tout. Il faut se faire à l’idée d’accepter de déménager ou changer d’emploi. C’est aussi pour cela que le revenu universel est indispensable à la transition sobre. Cela doit permettre de passer les phases d’adaptation.
Références
[1] psg-la-prime-hallucinante-de-neymar ; Consulté le 6/12/2018.
[2] Carbone et inégalité : de Kyoto à Paris; Pikety T.; 2015 ; Consulté le 6/12/2018.
[3] Il manque une pensee directrice au mouvement des gilets jaunes; Morin E.; lemonde.fr ; Consulté le 6/12/2018.
[4] Carburants, institutions, taxes : quelles sont les revendications des Gilets jaunes ?; Le Dauphiné Libéré ; Consulté le 6/12/2018.